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La légende de la Pisse-Vieille

La légende de la Pisse-Vieille est l’une des plus populaires. C’est elle qui a donné son nom au célèbre cru de ce hameau de la commune de Cercié, en plein cœur du Beaujolais viticole. On la raconte un peu partout dans la région avec de légères variantes. Cette version-ci, relevée en dialecte, met beaucoup mieux en relief que la traduction française la méprise qui a donné naissance à cette légende.

Y’est ‘n’histoire que s’est passo deins na vozno de la commeune de Sacha, que dz’ai einteindu raconto pe mous péreins.
Y’étove dous bons vious que vivovent einseimble et la fenne étove bien piouse. Alle avove l’habiteude d’allo se confesso seuveint. Et pis, on biau dzeur, iz ont tcheindja le queuro. Alours alle s’est det :
- Dze vais me confesso, dze vais voi.
Le viou queuro, i confessove très bien ! Quemein que celi allove faire ? I savoye p’t-être mouon bien parlo le patois…
Queint i li a u donno l’absoluchon, i li a det :
- Modo et ne pèchez pleus !
Mais alle a compra :
- Ne pichez pleus !
Alle est ar’vo à la moson et alle a det :
- Toine, te ne sais pos ce qu’i m’a donno commein pénitence : i faudra pleus p’cher !
- Bein ma foi, si y’est cein ta pénitence, faut la faire, quà !
Et alours bein sûr, la né s’est passo péniblameint, le leind’man aussi… Et tourdze la puvra fenne souffrove. Le Toine étove parti à sa veugne et, queint i s’est reintro à midi, alle n’ein pouove pleus. I s’est oncore passo, dze crois, la dzorno, se bein que le leindeman alle li dit :
- Toine, i faut allo treuvo le queuro, pis li dére que dze ne pus pleus y t’ni, dze ne pus pleus y t’ni ! Qu’i me doune cent pater et cent ave s’i vu, mais pos cein. Qu’i me lasse p’cher, qua !
Alours le Toine s’eimbarque vé le queuro que li dit :
- Mais dz’ai pos det cein. Dz’ai pos det qu’i fallove pleus p’cher, dz’ai det de ne pleus pècher !
Ah ! alours, il est revenu ein coreint, ein coreint, et la Toinette –alle s’appellove Toinette- étove su son balcon que l’atteindove, et du pleus louon qu’il l’a viou :
- Oh ! Toinette ! piche, vieille ! piche, vieille ! le queuro y a det, qu’i li criove !
Et y’avove de p’tits dzounes qu’étovent deins le veugnes, qu’ont einteindu cein. Alours iz ont ri, iz ont ri ! Et pis après, queint on vayove passo la vieille, i li criovent : piche, vieille ! et y’est ce que fait que le nom est resto à la vozno.

Traduction :
C’est une histoire qui s’est passée dans un hameau de la commune de Cercié et que j’ai entendu raconter par mes parents.
C’était deux bons vieux qui vivaient ensemble et la femme était bien pieuse. Elle avait l’habitude d’aller se confesser souvent. Et puis, un beau jour, ils ont changé le curé. Alors elle s’est dit :
- Je vais me confesser, je vais voir.
Le vieux curé, il confessait très bien ! Comment celui-là allait-il faire ? Il savait peut-être moins bien parler le patois…
Quand il lui eut donné l’absolution, il lui a dit :
- Allez, et ne péchez plus !
Mais elle a compris :
- Ne pissez plus !
Elle est arrivée à la maison et elle a dit :
- Toine, tu ne sais pas ce qu’il m’a donné comme pénitence : il ne faudra plus pisser !
- Ben, ma foi, si c’est ça ta pénitence, faut la faire quoi !
Et alors bien sûr, la nuit s’est passée péniblement, le lendemain aussi… Et toujours la pauvre femme souffrait. Le Toine était parti à sa vigne et quand il est rentré à midi, elle n’en pouvait plus. Il s’est encore passé, je crois, la journée, si bien que, le lendemain, elle lui dit :
- Toine, il faut aller trouver le curé, puis lui dire que je ne peux plus y tenir, je ne peux plus y tenir ! Qu’il me donne cent pater et cent ave s’il veut, mais pas ça. Qu’il me laisse pisser quoi !
Alors le Toine s’embarque chez le curé qui lui dit :
- Mais je n’ai pas dit ça. Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas pisser, j’ai dit de ne plus pécher !
Ah ! alors, il est revenu en courant, en courant, et la Toinette – elle s’appelait Toinette- était sur son balcon qui l’attendait, et du plus loin qu’il l’a vue :
- Oh ! Toinette, pisse, vieille ! pisse, vieille ! le curé l’a dit, qu’il lui criait !
Et il y avait des petits jeunes qui étaient dans les vignes, qui ont entndu ça. Alors ils ont ri, ils ont ri ! Et puis après, quand on voyait passer la vieille, ils lui criaient : pisse, vieille ! et c’est ce qui fait que le nom est resté au hameau.

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