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Beaujeu et sa légende

Avant le douxième siècle, l’emplacement où s’allonge aujourd’hui le long couloir de Beaujeu était un petit lac. Il n’y a de cela aucun titre ; mais la tradition est unanime, enracinée, et la topographie lui donne une autorité considérable.
Au fond d’une gorge resserrée entre des montagnes sinon élevées, au moins fort raides, rien de plus naturel que l’existence d’une vaste pièce d’eau ; rien de plus naturel encore que les châtelains et leur famille aient tenu à conserver, au pied du manoir, un lac aux eaux vives, traversé par un ruisseau dont l’abondance les renouvelait sans cesse. On trouve des étangs petits ou grands auprès de tous les vieux châteaux.
Ce lac, délices de la vallée, où se miraient les montagnes voisines et par dessus lequel se regardaient les deux églises, la collégiale hautaine du château et l’humble paroisse de Saint-Martin des Etoux, ce lac fut sacrifié dans une épreuve douloureuse.
C’est toujours la tradition qui parle.
Les faits transmis de génération en génération par les pères aux fils ne parviennent, au bout de quelques siècles, à l’oreille de la postérité qu’avec une variété infinie de détails plus ou moins romanesques.
Ainsi pour l’accident auquel Beaujeu doit sa naissance, un fils de Guichard disparut dans la profondeur des eaux que ce soit en une partie de chasse, à la poursuite d’un cerf aux abois ; que ce soit en se baignant ; que ce soit en lançant le filet ; que ce soit en faisant boire les chevaux, les accessoires varient, mais le fond n’est pas altéré. Même variété dans l’issue du drame suivant les uns aux yeux de la mère éplorée, accourue sur le rivage, et faisant vœu de faire bâtir une église au lieu où reparaîtrait son fils. Le jeune homme revint sur l’eau au-dessus de l’emplacement de l’église Saint-Nicolas actuelle ; suivant les autres, le jeune homme ne reparut pas ; on rompit la chaussée naturelle existant au lieu-dit : l’Etroit-Pont, les eaux s’écoulèrent et le corps inanimé fut retrouvé gisant sur le sol de l’église actuelle.
Toujours est-il quelle que soit la version adoptée, que là où fut revu le fils, mort ou vif, s’éleva le monument d’actions de grâces, selon les uns, d’expiation, selon les autres.
La digue brisée, l’étang vidé, l’Ardière se fraya le lit où elle roule aujourd’hui ses eaux torrentueuses. Guichard, sur la rive gauche, au territoire des Etoux, jeta les fondements d’une église.
Elle était achevée depuis quelques temps et n’était qu’une annexe de celle des Etoux lorsque le Pape Innocent II passa à Beaujeu et surprit Guichard sa barbe à demi faite. Le sire mettant l’occasion à profit, pria le Saint Père de bénir son nouvel édifice…

Le bourg s’éleva peu à peu autour de la fondation nouvelle. Une quasi-sécurité faisant place à l’anarchie des siècles précédents, le développement fut rapide. Cent ans plus tard, l’agglomération fut jugée assez importante pour mériter et obtenir une charte de franchises que lui octroya Humbert, connétable de France.

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